Face à l’urgence climatique, de plus en plus d’entreprises s’engagent sur la voie de la neutralité carbone. Cet objectif ambitieux, qui consiste à réduire au maximum ses émissions de gaz à effet de serre puis à compenser celles qui sont incompressibles, nécessite une transformation profonde des organisations. Si certains groupes comme Microsoft ou Apple ont déjà annoncé leur volonté d’atteindre le « zéro émission nette » d’ici 2030, la démarche reste complexe pour de nombreuses entreprises qui peinent à identifier les étapes clés de cette transition. Voici les 5 phases essentielles pour mener à bien cette mutation écologique.
Sommaire
1. Mesurer son empreinte carbone actuelle
La première étape cruciale consiste à réaliser un bilan carbone exhaustif de l’entreprise. Cette évaluation initiale, comme le souligne le Guide pour atteindre la neutralité carbone en entreprise, permet d’identifier précisément les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre. Cette analyse doit couvrir les trois périmètres définis par le protocole GHG : les émissions directes liées aux activités de l’entreprise, celles induites par sa consommation d’énergie, et les émissions indirectes générées par sa chaîne de valeur.
Pour obtenir des données fiables, les entreprises doivent mettre en place des outils de mesure performants et former leurs équipes à leur utilisation. Cette phase d’audit nécessite généralement plusieurs mois et mobilise différents services : production, logistique, achats, ressources humaines. Les résultats permettent d’établir une cartographie précise des émissions et de définir une année de référence pour mesurer les progrès futurs.
2. Définir des objectifs chiffrés de réduction
Une fois le bilan carbone établi, l’entreprise doit se fixer des objectifs de réduction ambitieux mais réalistes. La définition de ces cibles s’inscrit idéalement dans le cadre des Science Based Targets (SBTi), une initiative internationale qui permet d’aligner ses objectifs sur l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Ces objectifs doivent être quantifiables, datés et répartis par scope d’émissions.
La stratégie de réduction doit prévoir des jalons intermédiaires pour suivre la progression vers l’objectif final. Par exemple, une entreprise peut viser une réduction de 30% de ses émissions d’ici 2025, puis 60% d’ici 2030, pour atteindre la neutralité en 2040. Cette approche par paliers permet de maintenir la mobilisation des équipes et d’ajuster les actions si nécessaire. Il est également crucial d’obtenir la validation de la direction et d’allouer les ressources financières et humaines nécessaires à l’atteinte de ces objectifs.
3. Mettre en œuvre un plan d’action concret
La mise en œuvre opérationnelle constitue le cœur de la démarche vers la neutralité carbone. Elle nécessite le déploiement d’un plan d’action multidimensionnel touchant l’ensemble des activités de l’entreprise. Les actions prioritaires concernent généralement l’efficacité énergétique des bâtiments et des process industriels, la transition vers des énergies renouvelables, et l’optimisation de la chaîne logistique.
Cette transformation implique également une révision des pratiques d’achat pour privilégier des fournisseurs engagés dans une démarche similaire et des matériaux à faible impact carbone. La mobilité durable représente un autre levier majeur, avec le verdissement des flottes de véhicules et l’encouragement des mobilités douces pour les collaborateurs. L’innovation joue un rôle central, que ce soit dans le développement de nouveaux produits éco-conçus ou dans l’adoption de technologies propres.
La réussite de ce plan repose sur une mobilisation collective. Des référents doivent être nommés dans chaque service pour piloter les actions, et l’ensemble des collaborateurs doit être formé et sensibilisé aux enjeux climatiques. La mise en place d’un système de reporting régulier permet de suivre l’avancement des différents chantiers et d’identifier rapidement les éventuels points de blocage.
4. Suivre et mesurer les progrès réalisés
Le pilotage de la stratégie bas-carbone nécessite la mise en place d’un système de monitoring rigoureux. Les entreprises doivent déployer des indicateurs de performance précis pour mesurer l’efficacité des actions engagées et leur impact sur les émissions globales. Cette phase de suivi permet d’identifier rapidement les écarts par rapport aux objectifs fixés et d’ajuster le plan d’action en conséquence.
Pour garantir la fiabilité des données collectées, il est recommandé de mettre en place un processus d’audit interne régulier et de faire valider les résultats par un organisme externe indépendant. La transparence sur les progrès réalisés renforce la crédibilité de la démarche auprès des parties prenantes.
Les indicateurs clés à suivre :
- Émissions directes : suivi mensuel des consommations d’énergie et des rejets atmosphériques
- Performance énergétique : mesure des économies réalisées par rapport aux objectifs
- Impact transport : évolution des émissions liées aux déplacements professionnels
- Engagement fournisseurs : pourcentage de fournisseurs engagés dans une démarche similaire
- Investissements verts : part du budget allouée aux projets de décarbonation
5. Compenser les émissions résiduelles
Malgré tous les efforts de réduction, certaines émissions restent techniquement ou économiquement impossibles à éliminer. La compensation carbone intervient alors comme ultime étape pour atteindre la neutralité. Il s’agit d’investir dans des projets qui permettent de séquestrer ou d’éviter des émissions équivalentes à celles qui n’ont pu être supprimées. Cette démarche doit cependant rester secondaire par rapport aux efforts de réduction.
Le choix des projets de compensation est crucial. Les entreprises doivent privilégier des initiatives certifiées par des labels reconnus comme le Gold Standard ou le Verified Carbon Standard. Ces projets peuvent concerner la reforestation, le développement des énergies renouvelables dans les pays en développement, ou encore la protection des écosystèmes naturels. La qualité des crédits carbone et leur traçabilité doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Il est également essentiel de communiquer de manière transparente sur sa stratégie de compensation. Les entreprises doivent détailler la part des émissions compensées, les types de projets soutenus et leur impact réel. Cette compensation ne doit pas être perçue comme un droit à polluer, mais comme le dernier maillon d’une stratégie globale de décarbonation ambitieuse et cohérente.
Conclusion
La transition vers la neutralité carbone représente un défi majeur pour les entreprises, mais c’est aussi une opportunité de transformation et d’innovation. Les cinq étapes présentées – mesurer, définir des objectifs, mettre en œuvre un plan d’action, suivre les progrès et compenser les émissions résiduelles – constituent une feuille de route structurée pour y parvenir. Cette démarche nécessite un engagement sur le long terme, une mobilisation de l’ensemble des parties prenantes et des investissements conséquents. Au-delà de l’impact environnemental, elle permet aux organisations de se préparer aux futures réglementations et d’améliorer leur compétitivité.
Dans un monde où l’urgence climatique s’intensifie, les entreprises peuvent-elles encore se permettre d’ignorer leur responsabilité dans la lutte contre le changement climatique ?